Dans leur atelier bisontin, Alain Sauter et son équipe fabriquent, depuis 2018, des globes artisanaux qui mêlent la science du cartographe à une quête poétique du beau. Cette entreprise, entre tradition et innovation, trouve son origine du côté de La Sorbonne, à Paris.

Comment fabrique-t-on un globe à la main ? C’est avec cette question que la vie d’Alain Sauter a pris un tour nouveau, en 2016. « Enseignant-chercheur en géographie à Paris, après une thèse soutenue à Besançon, je préparais un cours d’histoire de la cartographie, explique-t-il. Je me rends alors compte que le métier de fabricant de globes artisanaux a disparu et, avec lui, tout un savoir-faire. En bon chercheur, je file à la bibliothèque de l’institut – la plus grande de France pour la géographie – et constate que l’occurrence « globe terrestre » renvoie à… un ouvrage. »

C’est finalement sur la base d’un article de L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert sur le processus de fabrication de globes qu’Alain Sauter commence ses expérimentations. « Je débute avec un ballon de plage et du plâtre – un échec –, puis parviens, au bout d’un an et demi, à un premier modèle « présentable », rembobine-t-il. Je décide alors de quitter l’université, où l’on apprend à faire des cartes chirurgicalement justes, mais visuellement tristes. »

La main à la Terre

C’est ainsi en 2018 qu’Alain Sauter se lance dans la production de globes faits main, à Besançon. Un métier qui, pour lui, s’articule autour de quatre points cardinaux : le travail manuel, la passion pour la géographie, le goût des voyages et l’envie d’une expérience artistique. « Avec la cartographie, il y a bien sûr une dimension scientifique, mais à l’heure de Google Earth, un globe a perdu sa fonction d’atlas et gagné en capacité à créer du beau, à faire rêver, précise-t-il. »

L’histoire horlogère bisontine a aussi inspiré Alain Sauter. « L’ambition était de créer un objet durable, à l’image d’une montre qu’on se transmet au fil des générations, évoque-t-il. L’aspect durable tient aussi dans l’utilisation de produits sains et sourcés pour la plupart en France, comme nos pigments venus de Bretagne. À noter que notre palette d’aquarelles a été définie à partir de couleurs de paysages m’ayant marqué à travers le monde, depuis les Caraïbes jusqu’au cercle polaire. Entre invitation au voyage et partage de connaissances, on retrouve aussi deux autres inspirations premières : Jules Verne et le géographe-anarchiste Élisée Reclus. Pour l’Exposition universelle de 1900, ce dernier avait imaginé un globe géant, dans un édifice de 200 m de haut face à la tour Eiffel. »

Chaque globe est unique

Plus modestement, les six collaborateurs de Globes Sauter & Cie – un nom qui fleure bon les escales de paquebot à Valparaiso et les long-courriers à hélices – produisent des pièces allant de 21 à 80 cm de diamètre. « Chaque globe est unique et le temps de travail varie de 10 à 70 heures selon la taille, avec des prix démarrant à 500 €, précise Alain Sauter. Nous avons conscience que le prix est non négligeable, mais notre tarif horaire est inférieur à celui de mon garagiste. Aujourd’hui, après des hauts et des bas – nous avons injecté nos derniers centimes dans l’affaire en 2021 –, le carnet de commandes s’est rempli. Cela nous permet aussi de développer de nouveaux projets avec des chercheurs et des artistes. Nous réfléchissons également à injecter une dose de mécanique horlogère dans nos globes. »

En attendant, l’équipe – qui a passé la barre des 500 globes en 2024 – s’active dans son nouvel atelier de la bien-nommée rue du Cercle, aux Chaprais. « Nous pouvons désormais produire jusqu’à 300 pièces par an, détaille Alain Sauter. Nos délais de fabrication sont actuellement de huit mois, cela étant la dimension artisanale primera toujours : nous ne serons jamais une usine à globes. »